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Comment se concentrer

PAR SATGURU BODHINATHA VEYLANSWAMI


Titre originel de cet article : La pleine conscience : cette expression a été appropriée aujourd'hui à des fins populaires, toutefois son but spirituel d'origine est plus important que jamais.


Pleine conscience. Yoga. Méditation. Ces pratiques populaires ont des origines profondément différentes. C’est la pleine conscience qui croît en popularité aujourd’hui, mais le yoga et la méditation ont eu plus d’adhérents au fil du temps. À l'origine, le yoga jouait un rôle spirituel profond dans l’hindouisme comme discipline octuple complète appelée raja yoga, ce qu’il fait encore aujourd'hui. Dans la culture dominante occidentale, le yoga se considère comme une pratique laïque plutôt limitée à la santé physique et à la réduction du stress. Semblablement, la pleine conscience, en dépit de ses origines spirituelles hindoues, est devenue un élément clé dans la méditation bouddhiste. Aujourd’hui, dépourvue de son essence spirituelle, elle est largement pratiquée comme le yoga, pour gérer les émotions, réduire le stress et aiguiser la pensée.


Selon l’hindouisme, ces effets sont importants mais ne constituent pas l’objectif final. Le terme sanskrit smriti, se rappeler, nous dit quelle est l’importance de la pleine conscience. Il s’agit de se rappeler qui nous sommes par rapport à tout ce dont nous sommes conscients. La pleine conscience est une pratique préparatoire au raja yoga qui mène à la réalisation d'états de conscience supérieurs et, enfin, à l'union avec le Divin, soit avec la Conscience omniprésente et bienveillante qui siège éternellement en nous. L’idée de pleine conscience telle qu’on s’en sert généralement aujourd’hui ne tient pas compte malheureusement de ces états mystiques.


En effet, on n’a pas à aller loin sur Internet pour voir à quel point cette idée telle qu’on la présente aujourd’hui est loin de son origine méditative hindoue. Par exemple, on enseigne pleine conscience à des athlètes élites, à des acteurs et à des enfants en crèche. Cette discipline spirituelle a même été appropriée comme outil pour former des soldats américains à mieux tirer sur l'ennemi !


Compte tenu de cette situation, comment donc la définir ? Tout simplement, la pleine conscience, c'est l’acte de diriger notre attention sur ce qui se passe dans le moment présent sans laisser l'esprit vagabonder. En cuisinant, par exemple, on se concentre pleinement sur ce que l’on fait. A table, on se concentre sur les goûts et les plaisirs de chaque bouchée. En écoutant quelqu’un d’autre, on se concentre cent pour cent sur ses paroles, ne permettant pas à notre esprit de penser à autre chose.

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Selon mon guru, Sivaya Subramuniyaswami, c’est l'attention qui constitue la première étape des pratiques mentales du raja yoga, pratiques progressives qui parcourent :  attention, concentration, méditation, contemplation et réalisation du Soi. Pour lui, l'attention consiste à restreindre l’esprit, et à le focaliser sur une seule chose. Quand on est en état d’attention, notre conscience ne se déplace plus, elle  survole, stationnaire, au-dessus de la fleur comme une abeille qui s’en approche. La conscience est immobile. La fleur est immobile. Et la conscience devient consciente de la fleur, simplement, paisiblement, sans être attirée ou tiraillée par quoi que ce soit dans aucune autre direction. Pour atteindre à ce contrôle de notre conscience, ce sont d’abord tout le système nerveux du corps physique, puis tout le système respiratoire qui doivent atteindre un certain rythme pour que la conscience puisse rester ainsi contrôlée comme l’abeille au-dessus de la fleur. Commencez de cette façon : respirez par le diaphragme en comptant sur les battements de votre cœur de façon à ce que vos inspirations aient la même durée que vos expirations. Etablissez un rythme agréable. Faites ceci pendant quelque temps (commencez tout de suite si vous voulez) et vous verrez que vous commencez à maîtriser le corps physique et le système nerveux. Ils vous écoutent et vous aurez atteint à l’attention.


Allez vous promener, préférablement dans la nature. Remarquez bien tout ce que vous voyez, avec autant de détails que possible. Essayez d’être comme l’enfant qui remarque et vous questionne à propos de choses que vous, vous n’aviez pas vues. Les enfants ont de vifs pouvoirs d'observation parce que leur intellect n'est pas hyperactif et qu'ils ne portent pas de fardeaux subconscients comme les adultes.


Il faut d'abord développer l’attention si l’on veut méditer. Généralement les débutants ont de la peine à restreindre leurs pensées emballées. Pour y arriver, il faut exercer notre volonté tout comme un sportif exerce ses muscles. Plus il s’y adonne, plus il est fort. De même, plus on s'exerce à être attentifs, mieux on arrive à maîtriser pensées et esprit. Voici un exercice : essayez de maîtriser vos pensées pendant toute la journée, disons pendant huit heures. Vous aurez alors déployé seize fois plus d'efforts que dans votre méditation d’une demi-heure. Faites souvent cet exercice et vous serez bientôt maître de vos pensées !


L’idée de pleine conscience inclut celle de vivre dans le moment présent. Nombreux sont ceux qui vivent une grande partie de leur vie dans le passé et dans l’avenir ce qui ne leur fait aucun bien. Ces voyages ne sont que pertes d’énergie mentale qui augmentent nos soucis et notre stress.


Toute âme, à tout moment, a le choix de vivre à la lumière du présent, dans les ombres du passé ou parmi les incertitudes de l’avenir.

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Le rishi Patanjali, auteur des Yoga Sutras, médite assis en lotus sur le serpent à cinq têtes qui représente « kundalini », la force de conscience enroulée au bas de la colonne vertébrale. Elle va monter à mesure que s'approndira la méditation du rishi. Dans le cas de cet être illuminé, elle montera surement jusqu'au sommet de sa tête, et peut-être plus haut encore.

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Gurudeva nous donne un exercice bien utile pour réduire l’attraction du passé et du futur : « Il est facile de vivre dans le moment présent avec un peu d’effort chaque jour en vous concentrant de minute en minute sur ce que vous êtes en train de faire. Au début, limitez vos pensées au moment présent : ne pensez pas et ne parlez pas de ce qui est arrivé il y a plus de quatre jours, ou qui va arriver dans plus de quatre jours. Vous serez ainsi bien plus attentif et concentré. Soyez conscient et demandez-vous : « Suis-je pleinement conscient de moi-même et de ce que je fais en ce moment-ci ? »


Gurudeva approfondit l'exercice davantage :  « Ayant réussi à contrôler un peu la conscience de cette façon, asseyez-vous tranquillement un peu chaque jour et demeurez simplement présent à ce qui est, à ce que vous êtes, laissant de côté toutes vos préoccupations. Ne pensez plus. Ne planifiez plus. Ne vous remémorez plus. Asseyez-vous et soyez simplement présent. Mais ce n’est pas aussi simple que tout cela, car nous sommes habitués à la nouveauté et à l’activité mentale constante plutôt qu’à la simplicité de notre simple être. Ne soyez plus que l’énergie qui circule dans votre colonne vertébrale et votre tête. Ne pensez plus à hier ni à demain. Ils n’existent pas, sauf dans votre capacité à reconstruire le passé et à créer tous les lendemains. Il n’y a que le moment présent qui soit réel ».


Restant ainsi tranquille dans le moment présent, on s’harmonise avec le plus profond de soi—l’intuition. C’est à de tels moments  que viennent les aperçus que tant recherchés, qui illuminent la vie, la sienne et celle d’autrui. On pourrait découvrir, par exemple, une habitude en soi qui fait que le premier obstacle venu, on perd son enthousiasme et on abandonne le projet. Fort de ce nouvel aperçu, on peut développer la persévérance face aux obstacles. C’est par ces activités intuitives que l’on arrive à contacter sa nature spirituelle—l’âme—et qu’on se sent réconcilié avec soi-même, davantage satisfait de sa vie et de ses expériences. Délivrés du passé, inébranlables quant à l'avenir, l’on vit dans la sécurité de l’éternel moment présent.


Dans ses Yoga Sutras, Rishi Patanjali déclare que le yoga, c’est la pratique de restreindre les activités mentales. Généralement, on suppose que cette pratique ne s'applique qu’en méditation. En hindouisme, l’idée de pleine conscience s’élargit pour inclure la restriction des mouvements de l'esprit pendant nos activités quotidiennes. De toute évidence, plus on est attentif, plus il est facile de calmer l’esprit et atteindre la méditation, et par conséquent, jouir d’expériences profondes provenant de la nature intuitive, soit de l’âme.

Les gens ont tendance à se laisser distraire par leurs pensées. Mais les pensées n’en finissent pas. Jour et nuit, on pense. On pense ceci, on pense cela, et puis cette autre chose encore. Pour améliorer la vie, nous avons à devenir conscients de nos pensées, ne pas se laisser dominer par aucune d’elles. Ainsi, nous gagnons peu à peu accès à notre nature intuitive.

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