Le Témoin, deuxième partie

Séléction de Se fondre en Siva (leçon 209) de Gurudeva, Satguru Sivaya Subramuniyaswami

Aujourd'hui, Gurudeva offre un enseignement très puissant. Il vous introduit à un nouveau point de vue, un point de vue libérateur, celui des mystiques, des gens profondément spirituels. On peut même dire qu'être spirituel, c’est simplement chercher à voir — et arriver à voir — les choses de ce point de vue-là.

Si vous cherchez à grandir en spiritualité, voici votre leçon. Lisez doucement, attentivement en essayant de bien saisir.

Mûlîf, c’est le point de vue ordinaire d'où on perçoit ordinairement. Shûmîf, c’est le point de vue spirituel que les sages de tous temps s'évertuent de partager avec leurs disciples. Aujourd'hui, Gurudeva nous l’explique au moyen de ces deux mots (en langue Shum que nous expliquerons plus tard.)

Exemple:

Du point de vue mulif, une certaine personne pense : « Je vois que cet homme là-bas est égoïste. »

Même situation du point de vue shumif, la même personne pense : « Je vois que je suis tout de suite allé à cette pensée : que cet homme là-bas est égoïste. »

Dans le premier cas, la personne n’est pas même consciente qu’elle est en train de penser. Elle s’imagine qu’elle fait face à un fait accompli: le monsieur est égoïste. La voilà dorénavant encombrée inconsciemment de ce jugement, sans qu’elle ait la moindre idée de sa provenance, sans même qu’elle sache qu’il s’agit d’un jugement.

Dans le deuxième cas, la personne est consciente du fait qu’elle pense, et que ce qu’elle pense n’est qu’une pensée, pas un absolu. Elle a le choix de faire le jugement ou non. Elle peut retenir la pensée si elle le veut ou la laisser aller, ou la remplacer par une meilleure pensée. Elle est libre parmi ses pensées, jamais opprimée par elles, jamais déprimée par elles, jamais sujette à elles.

Voyez que dans le deuxième cas, nous touchons à une nouvelle et plus réelle vérité. Est-ce que l’homme est vraiment égoïste ? Peut-être. Nous ne le saurons vraiment jamais. Mais dans le deuxième cas, nous voyons que ce qui est réellement arrivé, c’est qu’on a eu cette pensée-là. Ça, c’est vrai. Il n’y a pas d’erreur. Et, pour cette personne-là, noter où vont ses pensées, ça devient bien, bien plus intéressant que laisser vagabonder ses pensées au hasard de … au hasard de quoi, au fait?

Voilà un petit aperçu. Maintenant, le grand enseignement :

Trouver un nouveau point de vue

Il y a quatre façons de contempler l’existence, quatre points de vue distincts. L’un d’eux je nomme mûlîf. De ce point de vue-là, nous croyons que ce sont les pensées qui se déplacent, venant à nous l'une après l'autre. C'est ce qu'elles semblent faire, de ce point de vue-là. On imagine qu’elles vont d'une personne à l’autre, quand on communique par exemple, et on les voit traverser rapidement notre esprit, exigeant constamment que notre conscience les suive. Nous avons alors à faire un grand effort pour contrôler ces pensées dans l’espoir de calmer l’esprit.

Mais grâce au contrôle de la respiration et aux diverses formes d’entendement que vous avez récupérées diligemment au cours de vos sâdhanas, vous arriverez bientôt à une nouvelle profondeur mystique en vous-même. Vous arriverez au point de vue que je nomme shûmîf. D’ici, tout ce monde de problèmes physiques et émotionnels, de bouleversements et de tangentes intellectuelles, vous le verrez comme stationnaire. Vous verrez que c'est votre conscience personnelle qui se déplace de pensée en pensée et qui les enregistre l’une après l’autre. C’est cette perspective-là que vous devez rechercher, puis atteindre, par la pratique de sâdhana.

Ce que vous devez apprendre à faire et puis continuer à faire pour le restant de vos jours, c’est savoir demeurer en un seul lieu de la conscience, totalement conscient d'être en ce lieu, en même temps que vous êtes conscient aussi de tout ce qui se passe autour de vous. Tant que vous êtes l'observateur, vous dissipez l'ignorance, et vous calmez les tourbillons d’émotions et de pensées folles. Tant que vous êtes le témoin, la vue d'ensemble de votre vie et de vos expériences est claire et nette, et vous serez toujours à la hauteur de faire face positivement à l'expérience du moment et de bien la gérer.

Au cours de cette pratique, vous vous sentirez peut-être aliéné de ce que vous pensiez jusqu’ici être réel. Mais souvenez-vous pourquoi vous vous êtes mis à chercher quelque chose d’autre que ce dont vous étiez habitué et qui ne vous satisfaisait plus. C'est précisément cette insatisfaction qui vous a mené dans les profondeurs de vous-même et permis d’être le témoin de vos pensées et de vos expériences.

Mais une fois que vous avez atteint ce point de vue, il n'est pas facile à maintenir. Vous devez vous exercer pour devenir enfin assez confiant en vous-même pour arriver à intégrer ces nouvelles habitudes dans votre vie quotidienne. Cet exercice consiste à ce que vous dirigiez continuellement votre conscience personnelle vers l'intérieur de vous et, une fois que vous y êtes, à ce point central et unique, vous contemplez ce qui vous entoure, le contenu de l'esprit. Vous réussirez à cet exercice et jouirez dorénavant de ses merveilleux effets, mais seulement si vous vous y êtes adonné sans cesse.

Vous trouverez peut-être difficile à concevoir ce point central et cette permanence qui se trouvent au plus profond de vous-même, surtout si vous n'avez jamais encore vu votre esprit qui pense, assisté aux jeux de vos émotions et aux déplacements de votre corps physique pendant même que vous y habitez.

Où que vous en soyez, c’est là le parfait point de départ. Alors, commençons avec le corps physique. Les yeux observent l’action des mains, et en même temps, on peut penser aux mains. Un peu plus profondément, on peut observer les yeux, puis la vue même. Notez le « vous » intérieur qui observe l’opération de la vue, les yeux, les yeux qui voient les mains et les pensées relatives aux mains, aux yeux et à la vue. Ce « vous » est l'observateur, le témoin – l’état de conscience où, en tant que mystique, vous êtes consciemment conscient. Cette pratique est assez simple et vous pouvez être conscient à partir de ce point de vue pendant de courtes durées. Une fois que vous en aurez bien compris les principes, vous pourrez maintenir cette conscience plus longtemps. C’est certain.